I. Peut-on saisir des titres sociétaires ?
Oui. Les titres de société constituent des biens meubles incorporels qui ont une valeur patrimoniale et tous les biens meubles et immeubles d’un débiteur sont le gage commun de ses créanciers. Les titres possédés par un actionnaire peuvent donc être saisis par le biais d’une saisie-arrêt conservatoire puis exécutoire.
Le créancier saisit-arrête les actions nominatives de son débiteur entre les mains de la société émettrice. Le fait que les actions ne soit pas librement cessibles n’entrave pas la validité de la saisie sauf lorsque l’incessibilité est prévue par la loi [1].
La société tiers saisie est tenue de déclarer l’existence des actions nominatives inscrites au nom du débiteur lorsqu’une saisie des titres détenus par un de ses actionnaires lui est signifiée. Elle est tenue de les rendre indisponibles [2].
II. Quels titres peut-on saisir ?
Tous les titres qui présentent une valeur patrimoniale et une cessibilité suffisante peuvent faire l’objet d’une saisie :
- les actions
- les obligations et obligations convertibles
- les certificats d’actions
- les parts bénéficiaires de société anonyme
- les droits de souscription
La saisie des droits de souscription est difficilement réalisable en pratique, voyez notre article dédié pour plus d’informations.
- etc.
III. Quel est l’impact des restrictions à la cessibilité des titres ?
A. Limitation légales
L’incessibilité légale s’impose aux créanciers.
Incessibilité des titres dans les sociétés de personnes
Certaines sociétés de personnes sont constituées uniquement en considération de la personne des associés : les sociétés simples, les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite. Dans ces cas de figure, l’incessibilité des parts est prévue par la loi et s’impose aux créanciers saisissants.
Restriction à la cessibilité des titres dans les SRL
Dans les SRL également, à défaut de dispositions statutaires contraires, l’actionnaire qui souhaite céder des actions doit obtenir l’agrément des autres actionnaires. Le créancier saisissant est tenu de respecter la procédure d’agrément si elle est d’application dans la société concernée.
S’il n’obtient pas l’agrément, le créancier saisissant, ou le tiers acquéreur, pourra saisir le président du tribunal de l’entreprise. Si le refus d’agrément est jugé arbitraire par le président, le jugement vaudra agrément.
B. Limitations conventionnelles
Les restrictions valablement publiées s’imposent au créancier saisissant.
Les limitations conventionnelles non publiées, qui figureraient par exemple dans un pacte d’actionnaires, ne peuvent être opposées au créancier saisissant tiers, sauf si sa mauvaise foi est démontrée.
C. Limitations de fait
Enfin, la valeur de certaines sociétés dont les titres sont légalement cessibles (ou ont été rendus cessibles par les associés) est tellement liée à la personne de leurs associés qu’il est, en pratique, difficile de trouver un acquéreur intéressé par l’achat des titres.
Il est également difficile d’imaginer l’intérêt que trouverait un créancier saisissant ou un tiers acquéreur à imposer sa participation dans l’actionnariat d’une très petite société ou d’une société familiale après, le cas échéant, un agrément judiciaire.
Dans ces cas, même si la saisie est théoriquement possible, elle est difficilement envisageable.
IV. Assiette de la saisie
La saisie peut porter sur le titre sociétaire lui-même et, partant, sur toutes les sommes dues par la société au détenteur du titre.
Rien n’empêche néanmoins le créancier de limiter la saisie à une partie des droits pécuniaires attachés au titre seulement, pour autant que la créance existe au moins en germe au moment de la saisie.